Les inégalités économiques et environnementales
2. De quoi s'agit-il ?
2.3. Inégalités environnementales à l’échelle micro (individus et ménages)
Les inégalités environnementales à l’échelle des individus et des ménages concernent plusieurs problématiques :
- la question des aménités
- l’accès aux ressources
- l’impact sur l’environnement
- la compétence politique (capacité à se saisir des politiques environnementales, à les comprendre et à agir afin de protéger l’environnement).
Les inégalités environnementales sont directement liées aux inégalités socio-économiques. Un individu ou un ménage vivant dans des conditions socio-économiques difficiles sera bien plus enclin à vivre des inégalités environnementales. Dès lors, les inégalités environnementales s’expliquent par des raisonnements économiques et sociologiques à l’échelle des ménages et des individus. Dans les territoires marginalisés où les services publics sont peu présents, l’accès à un moyen de transport motorisé est primordial afin d’accéder à ces services. La situation économique et géographique conditionne ainsi l’usage de l’automobile. En effet selon l’INSEE, on observe 90% de recours à l’automobile pour les distances domicile-travail en milieu rural, les transports en commun étant considérés comme un « mode de déplacement spécifique aux grandes villes ».
Les aménités
Les aménités sont des éléments de l’espace représentant un attrait permanent ou temporaire pour les populations. Les aménités environnementales font donc référence aux éléments du paysage ou du climat dont peuvent profiter les populations d’un espace concerné.
La perception de ces aménités s’explique sociologiquement. En effet, dans les années 1970-1980, des travaux démontrent que la fréquentation de la forêt par les populations résulte d’un processus de distinction sociale : ce sont les populations au plus fort niveau social qui sont alors les plus à mêmes de profiter des espaces boisés pour leurs bienfaits. Ce phénomène a évolué avec la démocratisation de l’espace forestier dans les décennies suivantes.
Dans les villes ayant fortement hérité de la révolution industrielle du XIXe siècle, la pollution atmosphérique des industries conduit à des prix plus faibles des logements à l’Est de Paris au XIXe siècle, les vents allant généralement d’Ouest vers l’Est. Cette situation est la même dans des villes comme Lyon. Les populations les moins favorisées se sont ainsi vues cantonnées à des secteurs d’habitations davantage exposés par les fumées domestiques et industrielles. Ces structures historiques et économiques ont encore des répercussions dans la configuration de l’espace social aujourd’hui.
Ces inégalités environnementales en matière d’aménité peuvent également être observées sur les littoraux. Les habitations ayant un accès à la mer sont plus chères et ainsi réservées à une population favorisée.
Les inégalités environnementales résultant du mode de vie
Les inégalités environnementales doivent également être considérées au regard de l’empreinte écologique (voir séquence S3C) différente selon le mode de vie. Dans les pays du « Nord », l’évolution du mode de vie des ménages est en grande partie responsable de l’augmentation globale des émissions de gaz à effet de serre.
Les habitudes des ménages des pays riches sont ici visées : utilisation de la voiture, augmentation de la surface moyenne des logements (et du chauffage de ces surfaces), diminution du nombre de personnes par ménage. Ainsi en 2010, chaque français émet en moyenne deux tonnes de CO2 par an seulement pour se déplacer (Zahia, Nicolas, Verry, 2010).
L’accès aux ressources environnementales
L’accès aux ressources environnementales dépend également des conditions socio-économiques des individus et des ménages. De plus en plus et partout dans le monde, l’accès à la ressource en eau est de plus en plus limité, accroissant les inégalités environnementales.
La crise de l’eau en Uruguay a montré le caractère inégal de l’accès à une eau pure dans le pays. Alors que l’État d’Amérique du Sud a connu une sécheresse record, le gouvernement a décidé de mélanger l’eau du robinet à de l’eau salée venant de nappes phréatiques. Alors que les populations les plus pauvres n’avaient pas le choix de consommer cette eau considérée parfois impropre à la consommation, les ménages et individus les plus favorisés pouvaient continuer d’acheter de l’eau minérale en bouteille.
La compétence politique
Les inégalités environnementales sont aussi le fait d’une différenciation dans l’accès aux informations concernant l’environnement ou le climat. Cette asymétrie d’information selon les populations amène à une différenciation des mobilisations, notamment pour la préservation de l’environnement. En effet, il est souvent dit de l’écologie qu’elle est réservée à une élite. Néanmoins, les inégalités environnementales touchent en premier lieu les populations les plus vulnérables.
La mobilisation contre un projet qui sera amené à polluer l’atmosphère ou l’eau dans un territoire dépend en effet de la compétence, pour les ménages et les individus, à se saisir de cet enjeu afin de le contester. Dans le même sens, la participation à des gestes écologiques à une échelle individuelle ou du ménage dépend là aussi de nombreux facteurs (situation socio-économique, situation géographique, etc.). Il est par exemple reconnu que les populations vivant dans un environnement rural seront plus enclines à comprendre les écosystèmes qui les entourent et à préserver les ressources naturelles que les populations urbaines.
Une perception différente du risque environnemental selon le milieu socio-économique
Dans les régions industrielles et ouvrières, le risque environnemental est souvent minoré par les populations concernées, l’identité familiale étant parfois définie par le mode de vie. Une famille d’ouvriers modestes pourrait alors minorer le risque industriel de l’entreprise qui la fait vivre, intégrant le risque comme une norme.
A l’inverse, les populations les plus aisées, dont le mode de vie est souvent lié à une activité tertiaire, développent une perception du risque industriel plus importante. Néanmoins, une partie des populations les plus aisées détient un logement
en littoral, avec un risque d’inondation parfois important. Des travaux en sociologie ont montré que ces populations entretiennent des stratégies de dénégation du risque en relativisant la régularité et l’importance des crues, en dédramatisant
leur importance ou en se familiarisant au milieu.
La perception du risque environnemental et des inégalités des ménages et individus est ainsi déterminée par de nombreux facteurs.