La logique du vivant

Site: Moodle UVED
Cours: Le système Terre à l'anthropocène
Livre: La logique du vivant
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: jeudi 21 novembre 2024, 14:56

Description

1. A propos de la séquence

Acquis d'apprentissage

  • Connaitre les interactions qui régissent le vivant
  • Comprendre que le vivant est en constante évolution

Durée de la séquence

  • 20 min

2. D'où vient le concept de "logique du vivant" ?

Le concept de « logique du vivant » est lié à l’essor de la biologie moléculaire. Il a fait l’objet de deux ouvrages majeurs, publiés en 1970 par deux auteurs français, François JacobRéf. biblio et Jacques MonodRéf. biblio . Ils analysent tous les deux le phénomène vivant d’un point de vue mécanistique et philosophique, en confortant la vision darwinienne de la variation du vivant dans le tempsRéf. biblio

Ce qu’est un organisme aujourd’hui est le résultat d’une suite de changements physiologiques, morphologiques, comportementaux dus au hasard et dépendants les uns des autres, qui lui ont conféré un avantage en fonction de la nature du monde tel qu’il était au moment de ces changements. Il existe aussi des transformations physiologiques, etc. qui ne confèrent ni avantage ni désavantage et qui ne remettent pas en cause la survie de l’organisme. En revanche, une transformation désavantageuse conduit à l’affaiblissement des performances de l’organisme.

2.1. L'évolution du vivant

Cette vision évolutive du vivant appliquée à la problématique de la biodiversité conduit à se poser la question du nombre d’espèces : pourquoi y en a-t-il probablement 10 millions plutôt que 100 ou une seule ? Comment en est-on arrivé à 10 millions ? 

La réponse se trouve dans la capacité d’adaptation de chaque organisme, c’est-à-dire dans son dialogue continu avec ce qui l’environne, à savoir les composantes chimiques et physiques de son milieu de vie ainsi qu’avec l’ensemble des organismes autour de lui. Les voies que peuvent prendre cette adaptation sont sélectionnées selon le principe de compromis (« trade-off » en anglais). Ce principe, absolument central en écologie, stipule qu’un organisme ne peut pas être au maximum de ses performances dans tous les domaines car il dispose d’une quantité de ressources (énergie, éléments constitutifs etc.) limitée, répartie entre diverses fonctions : recherche de nourriture, entretien des tissus, régulation thermique, croissance, reproduction, etc. Une quasi infinité de compromis sont possibles pourvu que les capacités de production de descendants soient préservées. En effet, à l’échelle des temps de l’évolution, l’investissement dans la longévité et la reproduction est déterminant du point de vue de la persistance de l’organisme : si l’investissement est fort, l’organisme prend de plus en plus de place, s’il est faible l’organisme régresse et est menacé d’extinction.

L’environnement physique et chimique des organismes, la nature et la disponibilité des ressources qui leur sont nécessaires, sont extrêmement variables dans le temps et dans l’espace. Imaginons un organisme initial adapté à un seul type d’environnement. Survient une mutation génétique, fruit du hasard, qui lui confère une nouvelle capacité physiologique, par exemple une meilleure capacité à lutter contre le froid, ou la rareté de l’eau, ou la faible teneur en oxygène, etc : l’organisme peut alors aller coloniser un autre milieu et avoir accès à de nouvelles ressources qui lui permettent d’assurer sa descendance. D’autres mutations peuvent se produire ultérieurement, qui confèrent d’autres avantages, générant ainsi des organismes de plus en plus différents de l’initial : la diversité du vivant s’accroit.

2.2. Le processus permanent d'adaptation

L’instabilité-diversité du monde vivant n’est pas à l’œuvre uniquement à l’échelle des temps de l’évolution, qui peuvent varier de quelques semaines à quelques milliers d’années ou bien davantage en fonction du temps nécessaire pour passer d’une génération à l’autre. Elle se voit aussi, si ce n’est au quotidien, dans la modification d’une année à l’autre de l’organisation des écosystèmes. 

La forêt en fournit un bon exemple. Après la chute d’un vieil arbre ou une coupe rase, apparaît localement un nouveau milieu sec et ensoleillé qui permet l’installation d’espèces qui n’étaient pas présentes précédemment car inadaptées au milieu sombre et humide du sous-bois. Ces nouvelles espèces proviennent d’une clairière qui avait été ouverte quelques années auparavant. De jeunes arbres adaptés à la pleine lumière s’installent. Ils se développent, interceptent progressivement le rayonnement lumineux, créant ainsi un milieu sombre qui permet, dans un deuxième temps, l’installation de jeunes arbres qui ne supportent pas la lumière qui, à leur tour, contribuent à modifier le milieu et ainsi de suite. En fait, dès qu’un organisme s’installe quelque part parce qu’il est adapté aux conditions du moment, il modifie fatalement ces conditions par consommation ou interception de ressources qui lui sont éventuellement moins favorables et qui ouvrent une fenêtre d’installation pour d’autres espèces plus adaptées à ces nouvelles conditions.

Adaptation au milieu biophysique et adaptation aux autres organismes sont des processus permanents, qui débouchent sur une différenciation quasi continue des organismes. Il est en effet toujours possible d’être plus adapté que précédemment et, dès qu’un organisme s’est modifié, sa relation aux autres et son impact sur le milieu physique sont modifiés également, les conditions pour les autres sont donc changées, de nouvelles adaptations apparaissent. De fait, le monde vivant est en perpétuelle évolution. Un monde vivant figé, stable, homogène est tout simplement inconcevable !

2.3. Les interactions entre organismes

Un autre moteur très puissant de la diversification du vivant est l’ensemble des interactions qui existent entre les organismes, entre les parasites et leurs hôtes, entre les phytophages et les plantes, entre les prédateurs et leurs proies, entre les plantes à fleurs et leurs pollinisateurs.

Imaginons deux espèces en compétition pour la nourriture. Subir cette compétition a un coût pour l’organisme, qui peut se répercuter sur le nombre de descendants produits. Cela crée une situation favorable à la sélection de nouveaux caractères, on parle de pression de sélection, qui réduisent l’intensité de cette compétition via, par exemple, le changement partiel de régime alimentaire, ce qui a pour effet de rétablir une longévité plus grande ou un effort reproductif plus élevé. En d’autres termes, la réponse évolutive à la compétition est l’évitement de cette compétition par la différenciation de l’organisme.

La compétition est un exemple d’interaction à effet négatif pour les deux partenaires. Il en existe d’autres: parasitisme, herbivorie, prédation, qui se traduisent toutes par des adaptations réciproques qui tendent à minimiser l’intensité de l’interaction.

Un exemple d'interaction
Un exemple célèbre dans ce domaine est celui de la phalène du bouleau aux alentours de Manchester. Ce papillon nocturne se pose le jour sur des troncs d’arbres, notamment ceux du bouleau. La plupart des individus sont de couleur claire ce qui leur permet de se rendre invisibles sur le tronc blanc des bouleaux et d’échapper aux prédateurs. Quelques individus sombres existent également, mais en nombre très faible car l’essentiel de la prédation par les oiseaux s’exerce sur eux. Cette situation a été modifiée pendant des décennies, lors de la période de forte activité industrielle dans la région qui avait conduit à une pollution de l’air importante et à l’apparition d’une couche de suie sur le tronc des boulots. La prédation sur la phalène s’est alors déplacée sur les formes claires qui étaient devenues très visibles, tandis que les formes sombres sont devenues majoritaires. En d’autres termes, une bonne partie de la survie de la phalène du bouleau s’est jouée autour de la diversité existant au sein de l’espèce, en l’occurrence la diversité des couleurs.
Phalène du bouleau, variété blanche
Phalène du bouleau, variété noire

Source : O. Leillinger, Wikimedia, CC BY-SA 2.5

Bien entendu, à côté des interactions perdant-perdant comme la compétition, il existe des interactions gagnant-perdant comme la prédation, le parasitisme, l’herbivorie, et des interactions gagnant-gagnant de type symbiose ou mutualisme qui elles aussi génèrent une logique d’adaptation réciproque et permanente qui aboutit au maintien ou à l’accroissement des capacités des partenaires à produire des descendants.

3. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Ouvrages
  • Charles Darwin, 1859. L'origine des espèces au moyen de la sélection naturelle ou la préservation des races favorisées dans la lutte pour la survie. Londres, John Murray.
  • François Jacob, 1970. La logique du vivant. Une histoire de l’hérédité. Paris, Editions Gallimard, 360 p.
  • Jacques Monod, 1970. Le hasard et la nécessité. Essai sur la philosophie naturelle de la biologie moderne. Paris, Editions du Seuil, 216p.

Pour aller plus loin...

Vidéos

4. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  octobre 2023