La notion d'écosystème ⊛
Site: | Moodle UVED |
Cours: | Le système Terre à l'anthropocène |
Livre: | La notion d'écosystème ⊛ |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | mercredi 4 décembre 2024, 09:41 |
Description
1. A propos de la séquence
Acquis d'apprentissage
- Définir un écosystème et comprendre la notion d’interactions
- Appréhender le fonctionnement et le devenir des écosystèmes sous l’angle de cette complexité.
- Comprendre le fonctionnement de et les services rendus par la pollinisation
- Comprendre le fonctionnement de et les services rendus par les symbioses mycorhiziennes.
Durée de la séquence
- 25 min
2. Qu'est ce qu'un système en écologie ?
Luc Abbadie, professeur à l'Université Pierre et Marie Curie, discute dans cette vidéo (7'18) de la notion de système en écologie. Il met en lumière l'existence de nombreuses rétroactions, positives ou négatives et, sur cette base, souligne l'enjeu que représente l'appréhension de ces boucles systémiques pour une ingénierie écologique.
Transcription de la vidéo
En ingénierie écologique, on agit sur des systèmes écologiques, sur des écosystèmes. Un système, c'est un ensemble de composantes de natures variées : physiques, chimiques, biologiques et qui sont toutes en interaction. Le mot interaction est un mot clé en écologie. Une interaction, ça veut dire que A agit sur B, mais que B agit sur A. Ce qui veut dire que lorsque l'on modifie A, on va modifier B. Mais puisque B est modifié, il va également à son tour modifier A. Donc on voit la grande difficulté de l'ingénierie écologique. C'est que lorsqu'on va intervenir sur un élément du système, celui que l'on vise, et bien en fait on va changer la totalité du système. Et c'est pour ça qu'on peut avoir des effets collatéraux positifs ou négatifs. Cette notion d'interaction, elle dit que A agit sur B et que B agit sur A. Autrement dit, on a des actions et on a des rétroactions. Et il est extrêmement important de prendre les deux en compte quand on veut prévoir la dynamique d'un système.
Alors on va prendre l'exemple de l'action du climat sur l'écosystème. Action qui peut être positive ou négative. On sait que le changement climatique, c'est aussi une variation géographique des zones climatiques. Dans l'hémisphère nord, pour 1 degré supplémentaire de température moyenne, on a un déplacement vers le nord des organismes de l'ordre de 160 kilomètres. Alors un forestier, la foresterie c'est une forme d'ingénierie écologique, évidemment il se pose la question de : que vais-je planter maintenant pour récolter dans 50 ans, sachant que je n'aurai pas le même climat ? Pour répondre à cette question, on fait des études de répartition future des différentes espèces. Ici on a un exemple d'une fougère.
Cette fougère, elle vit dans des conditions de pluies et de températures données. Ces conditions vont changer. Sa zone de compatibilité climatique en quelque sorte, ce qu'on appelle l'enveloppe climatique de l'espèce, va migrer vers le nord. Et donc sur la carte, on voit apparaître en sombre des zones futures d'implantation de la fougère et en plus clair, les zones que la fougère va abandonner. Donc si on résonne pour un arbre, on a le même genre de résultats, et on dit : "OK, je vais pouvoir planter cet arbre dans telle contrée. "
Oui, mais en fait, cette carte n'est qu'une carte de distribution possible. La réalité est beaucoup plus difficile à prendre en compte, parce que la réalité c'est que cet arbre, il est pris précisément dans un réseau d'interactions. Il influence d'autres organismes, mais il était influencé par d'autres organismes encore. Donc c'est ce qu'on appelle un système écologique complexe. On en a une image ici, sur un écosystème aquatique. Donc ça ressemble à ça un système. Un ensemble de nombreuses composantes qui sont toutes en influence réciproque. Et en réalité c'est plutôt ça. Donc très vite, évidemment on est perdu.
Mais pourtant le vrai défi aujourd'hui de l'ingénierie écologique, c'est prendre cette complexité en considération pour améliorer la prédiction de la distribution future, par exemple des arbres ou de n'importe quel autre organisme. Alors il y a donc ce climat qui a une action sur la biodiversité, sur l'écosystème, qui va le changer. Mais évidemment l'écosystème, le vivant, la biodiversité, également joue sur le climat. Alors on pourrait reprendre un exemple à partir d'un phénomène qui est en cours actuellement dans les régions froides, qui est l'avancée de la taïga, c'est-à-dire une forêt de conifères sur la toundra, qui est un couvert bas d'herbes et de lichens. Aujourd'hui avec le réchauffement, la taïga, la forêt gagne sur la toundra. Alors on pourrait se dire que c'est intéressant pour le changement climatique puisque la forêt stocke du CO2. Sauf que la forêt, elle a une couleur sombre par rapport à la couleur de la toundra et du coup la forêt absorbe l'énergie lumineuse et la réémet sous forme d'infrarouge thermique. Et donc elle contribue au réchauffement climatique. Et donc là, on voit bien que le changement de végétation, qui est une réponse naturelle au changement climatique, à son tour change le climat. Et donc vous voyez bien que si on veut faire des prédictions correctes sur le climat du futur, et bien il va falloir prendre en compte la dynamique du vivant qui joue un rôle actif dans le climat futur.
Alors si on passe à une échelle plus petite, on peut aussi raisonner de la même façon. Et c'est pour ça que, par exemple, dans le cadre de tous ces projets de renaturation en ville, on essaie d'utiliser le vivant comme un outil pour contrer un certain nombre d'effets du changement climatique. Par exemple, créer sur les toits des végétations, des écosystèmes, qui vont avoir un effet bénéfique sur la température parce qu'on a des plantes qui vont évaporer de l'eau et que l'évaporation, ça contribue à baisser la température de l'air. Mais évidemment une espèce n'est jamais toute seule. Et donc en combinaison et selon la nature de l'environnement qui a été testé dans l'image précédente, testée comment : avec deux types de sols et avec deux épaisseurs de sols. Et bien évidemment chaque espèce, il y en a 20 qui ont été testées ici, n'aura pas les mêmes performances par rapport à ce que vous souhaitez comme effet.
Par exemple sur la transpiration, qui refroidit la température de l'air ou sur la rétention de l'eau par le sol, qui va permettre de diminuer le ruissellement. Et sur ce schéma, cette combinaison de couleurs vous montre que lorsqu'une espèce est très performante sur une dimension, en général elle l'est moins ailleurs, mais que cette réponse change en fonction de l'association dans laquelle elle se trouve, l'association végétale, ou change en fonction de cet environnement. Donc le vivant, c'est un outil, mais qui a une certaine variabilité et qui peut avoir des effets négatifs, par exemple ici la production de nitrate. Donc une biodiversité, elle a aussi des effets qui ne nous arrangent pas. Par exemple la pollution de l'eau qui va ruisseler des toits par du nitrate. Donc on voit là encore que si on n'a pas une approche système qui prend en compte les différents effets liés à la nature des combinaisons végétales et éventuellement les effets négatifs, finalement on ne règle pas réellement les problèmes qu'on veut solutionner.
Donc l'approche système et ce concept d'interaction, c'est vraiment un point clé si on veut assurer une ingénierie écologique efficace.
2.1. Les interactions non trophiques et leur rôle dans le fonctionnement des écosystèmes
Isabelle Dajoz, professeur à l'Université Paris Diderot, discute dans cette vidéo (7'46) de la diversité des interactions entre les organismes au sein des écosystèmes, en se focalisant tout particulièrement sur les interactions non trophiques. Évoquant le mutualisme, avec l'exemple de la pollinisation, et la symbiose, avec l'exemple des mycorhizes, elle montre l'intérêt pour les sociétés humaines de favoriser ces interactions pour un bon fonctionnement des écosystèmes.
Transcription de la vidéo
Donc, je vais vous parler des interactions entre espèces qui ne sont pas des interactions basées sur qui mange qui, comme vous le voyez sur ce dessin et ces interactions, en fait, de qui mange qui peuvent être très complexes, comme vous le voyez sur le schéma à droite de cette diapositive. Donc en fait, toutes les interactions dans un écosystème ne sont pas basées sur qui va manger qui, il y a toute une diversité d'interactions, et ces interactions qui sont différentes, qui ne sont pas basées sur qui mange qui sont omniprésentes dans les écosystèmes et leur particularité, c'est qu'il va y avoir des coûts et des bénéfices réciproques pour chaque partenaire, comme vous le voyez sur ce tableau. Donc, l'espèce A qui interagit avec l'espèce B va avoir des coûts à cette interaction, mais aussi des bénéfices et je vais vous détailler ça un petit peu plus en détail ultérieurement.
Dans cette catégorie d'interactions non-trophiques, on distingue deux grandes catégories : les symbioses, où il y a un contact permanent entre les deux individus des deux espèces, et les mutualismes où les interactions peuvent être plus ponctuelles. Pour vous illustrer mon propos, je vais prendre l'exemple d'une prairie et on va regarder dans cette prairie, dans le compartiment aérien, un exemple d'interaction mutualiste, qui sont les plantes avec leurs pollinisateurs et un exemple d'interaction symbiotique, qui sont les racines des plantes avec les micro-organismes du sol. Alors, on va tout d'abord se focaliser sur cette interaction au niveau épigé de la prairie, donc au niveau supérieur, des plantes qui interagissent avec leurs agents pollinisateurs. C'est une interaction qui est omniprésente chez les espèces de plantes à fleurs, puisqu'on estime que plus de 90 % des plantes à fleurs sont pollinisées par des animaux. Il y a une très grande diversité d'organismes qui vont assurer cette pollinisation, comme vous le voyez sur cette diapo. Ça peut être des mammifères, comme cette petite souris, ça peut être des papillons, des insectes principalement en Europe occidentale. Donc, on va avoir des bénéfices réciproques pour les deux partenaires, les pollinisateurs, les animaux vont chercher des ressources alimentaires et les plantes vont assurer leur reproduction avec la visite de l'animal pollinisateur.
Cette pollinisation est très importante dans le fonctionnement des écosystèmes, puisqu'elle assure la reproduction des plantes, et donc le maintien de la biodiversité dans les communautés végétales naturelles, mais elle a aussi une importance très grande dans notre vie quotidienne, puisqu'elle assure la pollinisation des plantes cultivées et donc la production de nourriture via cette pollinisation de ces plantes cultivées. Pour vous donner un petit peu un ordre de grandeur de l'importance de cette interaction, cette interaction est à la base de notre sécurité alimentaire, puisque plus de trois quarts des plantes cultivées nécessitent une pollinisation pour fournir une récolte. C'est le cas bien sûr des fruits, de certains légumes, mais c'est également le cas de cultures d'intérêt économique, comme par exemple des oléagineux, comme le colza ou le tournesol, ou des cultures d'intérêt économique avec un commerce mondial comme le café ou le cacao, et puis bien sûr c'est le cas de la production de semences. Et comme on est dans un monde où il est important de donner une valeur aux choses, on a estimé le coût annuel de cette pollinisation pour la production agricole qui, comme vous le voyez, est estimé à plus de 150 milliards d'euros par an.
Alors pour vous montrer l'importance que ça a dans la vie quotidienne, vous pouvez voir sur cette photo un pique-nique avec et sans pollinisation, et vous voyez, quand il n'y a plus de pollinisateurs, on n'a plus grand-chose à manger d'autre que des chips et du pain ou de la farine. Donc c'est un petit peu triste pour la vie quotidienne. Alors, cette pollinisation bien sûr, c'est une interaction extrêmement importante dans le fonctionnement des écosystèmes et pour aller un petit peu plus loin, je voudrais vous rappeler que c'est également une interaction mutualiste qui est très en danger et cette crise de la pollinisation est très médiatisée. On observe en effet, depuis quelques décennies, un déclin des pollinisateurs et de la flore sauvages, les facteurs responsables de ce déclin sont multifactoriels, notamment l'utilisation de pesticides, ou la fragmentation des habitants, ou l'urbanisation des habitants.
Un deuxième exemple dont je voudrais vous parler pour vous illustrer l'importance de ces interactions pluri-spécifiques non-trophiques dans le fonctionnement des écosystèmes, c'est celui qui va se passer dans le compartiment inférieur, cette fois-ci, de notre prairie dont je vous ai parlée au début, et c'est les interactions symbiotiques qu'il y a entre les racines des plantes supérieures et la micro flore du sol, notamment les champignons mycorhiziens. On estime que plus de 99 % des plantes terrestre, n'ont pas des racines, mais en fait des mycorhizes, c'est-à-dire une interaction entre leurs racines et ces champignons mycorhiziens, et on estime également que la mise en place de cette symbiose a joué un rôle essentiel dans la sortie des eaux pour les végétaux il y a plusieurs centaines de millions d'années. Ces interactions vont également avoir des bénéfices réciproques pour les deux partenaires, puisque la plante va bénéficier d'une meilleure nutrition minérale via les hyphes des champignons qui entourent ces racines et le champignon va piocher au niveau des cellules de la plante et au niveau des cellules de la racine, des assimilats photosynthétiques sous forme notamment de glucides. Et bien sûr, ces interactions ont une importance appliquée très importante en agriculture, puisque des plantes cultivées avec une mycorhization satisfaisante vont produire une récolte plus abondante et en utilisant moins d'engrais chimiques et de pesticides également.
Alors, cette symbiose mycorhizienne, elle a un rôle bien sûr appliqué en agriculture, mais elle a également un rôle, comme pour la pollinisation, dans le maintien de la biodiversité dans les écosystèmes, comme vous le voyez sur ce graphique, on a une communauté végétale sur la partie supérieure du graphique qui est en interaction avec, sur la partie inférieure du graphique, une micro flore de champignons plus ou moins diversifiée et plus cette micro flore est diversifiée, plus la communauté végétale va contenir d'espèces en nombre important. Donc, un rôle également fondamental dans le maintien de la biodiversité de ces communautés végétales. Et bien sûr pour finir sur une note appliquée et concrète, on peut se poser la question de l'impact des pratiques de l'agriculture intensive sur le maintien de cette symbiose et sur sa pérennité, et notamment on peut se demander l'impact que peuvent avoir les labours répétés sur les champignons mycorhiziens, sur ces réseaux d'interaction entre les plantes et les micro-organismes mycorhiziens dans le sol et puis également l'impact des pesticides et des fongicides sur ces interactions.
3. Crédits
Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Elle est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons - 4.0 International : Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions
Pour la formation continue ou professionnelle, les modalités d’usage sont à déterminer avec UVED et doivent faire l’objet d’un contrat définissant les conditions d’usage et de commercialisation. Contact : s3c@uved.fr
Première édition : octobre 2023