Biosphère, biodiversité et crises

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Cours: Le système Terre à l'anthropocène
Livre: Biosphère, biodiversité et crises
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: jeudi 21 novembre 2024, 15:14

Description

1. A propos de la séquence

Acquis d'apprentissage

  • Situer la biodiversité dans le Système Terre
  • Discuter la dynamique de la biodiversité sur l'échelle des temps géologiques et les liens possibles entre modification du système Terre et extinction massive
  • Discuter les caractéristiques quantitatives d'une extinction massive
  • Comprendre et Interpréter les données de suivi de la biodiversité de l'IUCN (partie activités)

Durée de la séquence

  • 25 min

2. Biosphère : définition

La planète Terre est une planète vivante, qui héberge la vie. Si l'on peut donc définir au sein du système Terre plusieurs compartiments aux limites assez nettes (la lithosphère, la cryopshère, l'hydrosphère, l'atmosphère), il en est un aux limites plus floues mais qui le caractérise particulièrement : la biosphère.

La biosphère comprend l'ensemble des organismes vivants dans leurs milieux de vie. Étant données les capacités de colonisation des milieux du vivant, la biosphère se répand sur la basse atmosphère, l'hydrosphère et les couches les plus superficielles de la lithosphère (sols et sédiments marins) avec lesquels elle entretient de multiples interactions.

Définie à l'échelle de la planète entière, la biosphère est représentée par une communauté d'espèces biologiques, qu'on appelle biocénose, qui évoluent en interactions entre elles et avec leur environnement physico-chimique ou abiotique, qu'on appelle biotope. L'ensemble biocénose plus biotope en interactions formant un écosystème, la biosphère peut aussi être définie comme l'ensemble des écosystèmes de la planète.

2.1. Biosphère et biodiversité

C'est donc au sein de la biosphère que l'on trouve la diversité des unités biologiques, ou biodiversité, définies à divers niveaux d'organisation du monde vivant :

  • diversité des gènes, ou génétique,
  • diversité des espèces, ou spécifique,
  • diversité des écosystèmes, ou écologique.

Autrement dit, la biosphère englobe tous les espaces de la planète où se développe la biodiversité. On pourrait dire aussi que la biosphère délimite les zones de la planète où l'on trouve du vivant, ou de la nature. Mais dans un contexte de crise écologique, le terme "biodiversité", qui met en évidence une des propriétés du monde vivant qu'est sa diversité, est le plus utilisé. Il vise à rappeler que cette diversité est ce qui permet le maintien de la vie et des interactions qu'elle entretient au sein du système Terre.

2.2. Dynamique générale de la biodiversité

Si l'homogénéité des bases moléculaires du vivant suggère une unique apparition sur Terre, la vie s'est depuis lors toujours maintenue. Il est difficile de dater l'origine de la vie, car les premières formes de vie n'ont pas laissé de traces fossiles. En comparaison, on connait mieux la dynamique du vivant depuis que les espèces laissent des traces fossiles plus nombreuses, et notamment depuis qu'elles sont capables de produire des structures biominérales, comme des coquilles ou des squelettes. On appelle "phanérozoïque" (phaneros « visible, détectable » et ζῷον zôon « être vivant, animal »), ou "temps fossilifère", cet intervalle de temps qui commence il y a 541 millions d'années et au cours duquel les traces fossiles sont plus nombreuses.

Sur cette échelle temporale dite géologique, en raison de la précision du registre fossile, la biodiversité est plutôt exprimée en nombre de genres taxonomiques, le genre étant la catégorie immédiatement supérieure à celle des espèces dans la classification taxonomique. Et la biodiversité étant initialement essentiellement en milieu marin, c'est le nombre de genre d'organismes marins qui est suivi. Depuis le Cambrien, il y a 541 millions d'années, si l'augmentation n'a pas été toujours régulière, ce nombre est passé de quelques dizaines à plusieurs milliers. La tendance générale est donc clairement à une augmentation du niveau de biodiversité.

Graphique des 5 grandes extinctions

Source : Bambach, R., Knoll, A., & Wang, S. (2004). Origination, extinction, and mass depletions of marine diversity. Paleobiology, 30(4), 522-542. doi:10.1666/0094-8373(2004)0302.0.CO;2

2.3. Les crises de biodiversité

Pour autant, les paléontologues distinguent cinq moments au cours desquels cette tendance s'est temporairement inversée. Ce sont des moments relativement courts à l'échelle des temps géologiques, mais qui peuvent durer de plusieurs centaines de milliers d'années à plusieurs dizaines de millions d'années. On appelle ces moments des "crises de biodiversité", pour indiquer que la dynamique est temporairement négative, ou des "extinctions massives", pour indiquer que la perte de biodiversité est temporairement forte au point de diminuer significativement le niveau de biodiversité.

Ces 5 extinctions massives, ou "Big Five", peuvent être caractérisées à l'aide de deux indicateurs :

  • La magnitude informe sur la proportion de la biodiversité qui est perdue au cours de la crise. On estime généralement qu'une extinction massive se caractérise par une magnitude d'au moins 75%. 
  • Le taux d'extinction mesure la vitesse à laquelle la biodiversité est perdue durant la crise, en rapportant la magnitude à un intervalle de temps déterminé. Il n'existe pas de valeur seuil, mais on constate que les taux d'extinction des crises sont généralement plus élevés qu'en dehors de crise, suffisamment pour expliquer que le bilan net entre apparition et extinction de taxons est négatif.
Taux d'extinction par rapport à l'ampleur de l'extinction
Graphique montrant le taux d'extinction ainsi que son ampleur

Source : Emily Lindsey et al. - Tous droits réservés

Les lignes verticales à droite illustrent la plage des taux d'extinction de masse (E/MSY) qui produiraient les magnitudes d'extinction des Big Five, telles qu'encadrées par les meilleures données disponibles provenant des archives géologiques. Les points de couleur correspondante indiquent quel aurait été le taux d'extinction si les extinctions s'étaient produites (hypothétiquement) sur seulement 500 ans. À gauche, des points reliés par des lignes indiquent le taux calculé pour les 500 dernières années pour les vertébrés : jaune clair, espèce déjà éteinte ; jaune foncé, extinction hypothétique d’espèces « en danger critique d’extinction » ; orange, extinction hypothétique de toutes les espèces « menacées ». TH : si toutes les espèces « menacées » disparaissaient en 100 ans, et que ce taux d’extinction restait constant, le temps nécessaire pour atteindre 75 % de perte d’espèces – c’est-à-dire la sixième extinction de masse – serait d’environ 240 à 540 ans pour les vertébrés montrés ici. qui ont été entièrement évalués (tous sauf les reptiles). CR : de même, si toutes les espèces « en danger critique d’extinction » disparaissaient dans 100 ans, le temps nécessaire pour atteindre 75 % de perte d’espèces serait d’environ 890 à 2 270 ans pour ces vertébrés terrestres entièrement évalués.

Il reste difficile d'expliquer rétrospectivement les raisons de ces cinq extinctions massives. Des phénomènes extraterrestres ont pu y contribuer.

  • C'est le cas par exemple il y a 66 millions d'année avec la chute d'une météorite lors de la crise "Crétacé-Tertaire" aboutissant notoirement à la disparition des dinosaures non-aviens. 

Mais chaque fois, les crises impliquent des interactions entre la biosphère et les autres compartiments du système Terre.

  • A l'Ordovicien, il y a 443 millions d'années, une érosion importante des roches (Lithosphère), l'essor des végétaux terrestres (Biosphère), la formation de glaciers (Cryosphère) sur le supercontinent Gondwana (Lithosphère) a pu entrainer une baisse de la concentration en dioxyde de carbone et un refroidissement fatal du climat (Atmosphère). 
  • Au Permien, il y a 252 millions d'années, un climat chaud et sec sur le continent unique Pangée (Atmosphère), la chute des niveaux marins (Hydrosphère), de gigantesques éruptions volcaniques (Lithosphère) et leurs conséquences sur la composition chimique de l'air (Atmosphère) et des océans (Hydrosphère) ont pu entrainer la plus importante des extinctions massives.

2.4. La crise actuelle : une sixième extinction ?

A l'anthropocène, la modification du système Terre par les activités humaines est à l'origine d'une nouvelle réduction du niveau de biodiversité à la surface de la planète, que d'aucuns considère comme une "sixième extinction". Au sens strict, cela devrait signifier que la magnitude et le taux d'extinction de la crise actuelle sont comparables à ceux des Big Five.

En terme de magnitude, nous aurions perdu, globalement, au cours des derniers siècles, entre environ 1% (pour les vertébrés), et 10% (pour les invertébrés) des espèces. En comparaison, c'est moins que les Big Five. Mais cette comparaison ignore deux phénomènes :

  • Tout d'abord, à plus petite échelle spatiale ou taxonomique, les taux d'extinction peuvent être bien plus élevés. 
  • Ensuite, une proportion plus importante d'espèces, jusqu'à 40%, sont menacées d'extinction. Ce qui signifie qu'elles pourraient disparaître dans les prochaines décennies.

Si le nombre d'espèces déjà disparues est comparativement modeste, la vitesse à laquelle ces espèces ont disparu est très élevée. Actuellement, les espèces disparaîtraient jusqu'à 50 fois plus vite qu'en temps normal, c’est-à-dire en l'absence de perturbations anthropiques. Si l'on considère que les espèces aujourd'hui menacées disparaitront au XXIe siècle, les taux d'extinctions seraient alors jusqu'à 1000 fois plus élevés. A cette vitesse, nous atteindrions une magnitude comparable à celles des extinctions massives en quelques siècles seulement !

3. Idées d'activités

4. Ressources complémentaires

Références bibliographiques / webographiques

Articles
  • Barnosky, A.D., Matzke, N., Tomiya, S., Wogan, G.O.U., Swartz, B., Quental, T.B., Marshall, C., McGuire, J.L., Lindsey, E.L., Maguire, K.C., Mersey, B., Ferrer, E.A., 2011. Has the Earth’s sixth mass extinction already arrived? Nature 471, 51–57. https://doi.org/10.1038/nature09678
  • Ceballos, G., Ehrlich, P.R., Barnosky, A.D., García, A., Pringle, R.M., Palmer, T.M., 2015. Accelerated modern human–induced species losses: Entering the sixth mass extinction. Sci. Adv. 1, e1400253. https://doi.org/10.1126/sciadv.1400253
  • Cowie, R.H., Bouchet, P., Fontaine, B., 2022. The Sixth Mass Extinction: fact, fiction or speculation? Biol. Rev. https://doi.org/10.1111/brv.12816

Pour aller plus loin...

Rapports

5. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  octobre 2023