L'impact du numérique
Site: | Moodle UVED |
Cours: | Vivre avec les autres animaux (Approfondi) - Ancienne version sans H5P (dernière mise à jour 2021) |
Livre: | L'impact du numérique |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | dimanche 22 décembre 2024, 09:09 |
Description
1. A propos de la séquence
Acquis d'apprentissage
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Temps d'apprentissage
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2. La naissance du web
Le World Wide Web voit le jour en 1992 avec Tim Berners-Lee et son équipe. Ils inventent le système de liens hypertexte qui parachève l’unification des réseaux en un grand objet sur lequel on peut se promener - le cyberespace nommé pour la première fois par un écrivain de science-fiction, Willian Gibson dans Neuromancien - et surtout les bases pour que le réseau devienne cet « instrument fait monde ». On accède alors à un espace infini !Aux débuts, l’usage reste encore limité aux chercheurs, programmeurs, artistes et entrepreneurs qui y imprimeront leur marque et en feront un espace d’exception, où les normes de la société de l’État n’ont plus cours et où individu et corps social peuvent se réinventer. L’ailleurs, au-delà de la frontière des pionniers de l’internet se met en place. On y découvre de nouvelles formes de sociabilité - le mot communautés virtuelles apparaîtra en 1992 sous la plume d’un journaliste, Howard Rheingold. Réinvestissant l’imaginaire de la Commune, il décrit alors un espace où les rênes de la société n’ont plus cours, où les gens parlent via des avatars et se libèrent des carcans de l’identité et des préjugés liés aux origines, au genre, à l’âge, à l’apparence physique - les utopies hippies se réalisent enfin. Les relations humaines y sont riches et intenses, il n’y ni chef, ni loi.
Dans la foulée, le 8 février 1996, au forum économique de Davos, John Barlow, ancien parolier des Grateful Dead (groupe de rock phare des années 60 dont le leader était Jerry Garcia), libertarien revendiqué et cofondateur de l'Electronic Frontier Foundation, une association de "défense des libertés civiles sur Internet", propose la charte de « l’indépendance du cyber espace » qui dit :
Gouvernements du monde industriel, vous, géants fatigués de chair et d'acier, je viens du cyberespace, La nouvelle demeure de l'esprit. Au nom du futur, je vous demande à vous, du passé, de nous laisser tranquilles. Vous n'êtes pas les bienvenus parmi nous. Vous n'avez pas de souveraineté là où nous nous rassemblons. Vos concepts juridiques de la propriété et d'expression ne s'appliquent pas à nous. Ils sont issus de la matière, et il n'y a pas de matière là où nous sommes. C'est de l'éthique, de la recherche éclairée de l'intérêt personnel et du bien commun qu'émergera notre gouvernement.
— John Barlow, cofondateur de l'Electronic Frontier Foundation
Toujours le rêve aux commandes !
2.1. Trois principes
Premier principe
Un premier principe qu’il ne faut pas oublier et qui s’applique à tous les outils de l’homme ! Qu’on le veuille ou non, l’outil INTERNET, le numérique est là, agissant sur les perceptions du monde, sur notre présence au monde, sur notre être, toujours dans ce qui est structurel de nos outils - le Pharmakos, détaillé par Platon et repris par Bernard Stiegler qui exprime le fait que dans tout outil se côtoie ce qui émancipe et ce qui détruit - que tout remède est également poison ! Et l’INTERNET n’échappe pas à cela !
Deuxième principe
Le discours standard numérique rime avec dématérialisation. Or il faut nous rendre à l’évidence - la dématérialisation n’est qu’une surface qui cache une réalité qui n’a rien d’immatériel ! Rappelons que notre environnement numérique est essentiellement matériel. Il n’existerait pas sans les câbles sous-marins, les terres rares, les minerais, les data centers,... Ils sont tout simplement nécessaires au fonctionnement de l’économie du numérique. Nous sommes en effet bien loin de la dématérialisation affichée en façade. De plus, quoi qu’on en dise en surface, cette économie du numérique repose essentiellement sur des modèles formels anciens et centralisés tant dans la distribution que dans son organisation - sommes-nous réellement sur de nouveaux modèles ou notre technologie n’est-elle là que pour optimiser les processus anciens de la production, de l’éducation, de la citoyenneté pour ne citer qu’eux ? De plus, aussi moderne soit-elle, son impact écologique est désastreux ! Par exemple, l’économie numérique consomme davantage d’énergie que l’ensemble du secteur de l’aviation.
Troisième principe
Il vient des questions que nous pouvons nous poser sur l’adéquation entre les concepts et les mots que nous employons et la réalité du monde moderne, d’un XXIème siècle qui remet en questions bon nombre de concepts de base de la société et les mutations et transitions à l’œuvre. Tout cela pouvant se résumer en une question : et si les mots et les concepts que nous utilisons étaient inopérants pour décrire les mutations en cours ? Tous les espaces, tous les concepts que nous manipulons, de l’école à l’éducation et la formation, tout cela repose encore sur des bases issues du XIXème siècle ! Pour s’en convaincre, il suffit juste de regarder autour de nous - ville, rues, supermarchés, consommation, scolarisation, démocratie, .... tout ce qui balise notre société est issu d’un siècle qui n’a plus rien à voir avec ce qui est dans ce siècle naissant. Le monde est en mutation et une part de cette mutation est due à la dimension numérique de ce monde - un monde ubiquitaire, distribué, connecté. Un outil qui fait des humains, des êtres connectés, nomades, qui établissent de nouveaux rapports au temps et à l’espace, à l’action, à l’engagement, au travail, au corps. Quand presque un humain sur deux est connecté au réseau, quand quasiment chaque recoin de la Terre est connecté et connectable, quand cette connectivité s’est installée dans toutes les cultures, tous les pays, toutes les sociétés humaines, ... et que nous continuons à penser le monde avec des concepts issus d’un temps dans lequel tout cela n’existait pas...
2.2. L'impact environnemental du numérique
Source : ADEME, 2022
Source : eDiscovery & LTMG, CC BY 4.0
Quelques exemples
• Un employé qui participe à 15 heures de réunions en ligne avec sa caméra allumée émet 9,4 kg de CO2 par mois. En désactivant la vidéo, il économiserait la même quantité d'émissions que celles créées en chargeant un smartphone chaque nuit pendant plus de 3 ans (1151 jours).
• Avec l'énergie que vous utilisez pour le streaming vidéo (en moyenne 2 heures par jour), vous pouvez parcourir jusqu'à 3 000 km ou 2 000 miles avec un scooter électrique par an. Soit un budget transport de 8 km ou 5 miles par jour.
• Google utilise 15 616 MWh d'énergie chaque jour, c'est plus que ce que produit le barrage Hoover et il alimenterait tout un pays avec 1 million d'habitants pendant une journée.
• Notre consommation illimitée de données nécessite aujourd'hui 3 fois plus d'énergie que tous les panneaux solaires du monde ne peuvent en produire. Notre engouement pour Internet fonctionne principalement sur les combustibles fossiles, donc cliquer, faire défiler et diffuser en continu est responsable de plus de 870 millions de tonnes de CO2, ajoutant plus de force à la tendance mortelle au réchauffement climatique.
2.3. Conclusion
Encore une fois, le rêve c’est tout, la technique ça s’apprend ! Dans le rêve et dans l’apprentissage de la technique, de ses fondements, de ses enjeux, de son humanité c’est ce qui nous gardera de nous précipiter tels des moutons sur certaines projections faites par certains, telles que :- Les utopies « cornucopiennes » (du latin cornu copiae, la corne d’abondance) où le progrès scientifique et industriel, les techniques nouvelles nous donnent, et donneront accès à de nouvelles ressources, souvent en quantités prodigieuses.
- Les utopies « techno-esclavagistes » : l’évolution fulgurante des technologies de l’information et de la communication et les capacités accrues de miniaturisation des équipements permettront de remplacer de plus en plus le travail humain par des machines, des dispositifs connectés, des robots, des drones.
- Et les utopies « anthropologie-augmentistes » qui vont encore plus loin et qui envisagent une humanité améliorant ses performances grâce à la technologie.
- L’utopie ultime est celle du transhumanisme.
3. Idées d'activités
Calculer et agir sur son empreinte environnementale numérique
Sites web
- Calculer son impact numérique (équipements, usages) - Institut du Numérique Responsable
- Digital Cleanup Day : depuis 2020, cette Journée du nettoyage numérique a lieu au mois de mars. L'objectif est de sensibiliser à l'impact environnemental du numérique au travers d'actions concrètes permettant d'engager un premier pas.
4. Ressources complémentaires
Références bibliographiques / webographiques
Ouvrages
- Cohen, B. et Nowakowski, S. Demain est-il ailleurs ? Odyssée urbaine autour de la transition numérique. FYP Éditions 2020
- Turner, F. Aux sources de l’utopie numérique. De la contreculture à la cyberculture. C&F Éditions. 2013
- Cardon, D. Parasie, S., Ricci, D. Atlas du numérique. Presses de SciencesPo, Paris 2023
- Gibson, W. Le Neuromancien, J'ai Lu 2001
Rapport
- Pour une sobriété numérique, Rapport du groupe de travail du Think tank The Shift Project, 2018
Sites web
- Humanités Numériques, carnet de recherches de Samuel Nowakowski
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Essai
- J. Barlow, Déclaration d'indépendance du cyberespace, 1996
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Podcasts
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Pour aller plus loin...
Sites web
- Les 5R du Numérique, Ressources du Mooc Impacts environnementaux du numérique, INRIA, 2021
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Vidéos
- Amazon(ie), poumon du monde, extrait du spectacle Point de bascule, Cie du Gravillon, 2022, filmé par le Master AVMN de l'Université Grenoble Alpes
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5. Crédits
Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.
Elle est mise à disposition selon les termes de la Licence Creative Commons - 4.0 International : Attribution - Pas d’Utilisation Commerciale - Partage dans les Mêmes Conditions
Pour la formation continue ou professionnelle, les modalités d’usage sont à déterminer avec UVED et doivent faire l’objet d’un contrat définissant les conditions d’usage et de commercialisation. Contact : s3c@uved.fr
Première édition : décembre 2024