Les inégalités socio-environnementales : cadrage et notions

Site: Moodle UVED
Cours: Parcours 20h
Livre: Les inégalités socio-environnementales : cadrage et notions
Imprimé par: Visiteur anonyme
Date: mercredi 19 novembre 2025, 11:24

Description

1. A propos de la séquence

Objectifs d'apprentissage

  • Prendre conscience des inégalités croissantes et de leurs complexités géographiques et d’échelle
  • Connaître les distributions de ces inégalités et les différents cadres d’action pour y répondre
  • Connaitre la signification des concepts-clés qui recouvrent les actions de lutte contre les changements climatiques.

ODD concernés

  • ODD 10 : Réduire les inégalités entre les pays et en leur sein
  • ODD 13 : Prendre d'urgence des mesures pour lutter contre les changements climatiques et leurs répercussions

2. De quoi s'agit-il ?

Les inégalités socio-environnementales correspondent à l’idée selon laquelle les populations et les groupes sociaux ne sont pas égaux face aux différents risques environnementaux à différentes échelles (pollution de l’air, de l’eau, des sols, zoonoses, risques industriels, etc.) de même qu’ils ne disposent pas d’un accès équivalent aux ressources et aménités environnementales (eau, air, espaces verts, etc.).

Les pauvres se défendent des externalités négatives de la consommation (décharges, pollution environnementale, etc.) tout en n’ayant que peu accès à la même consommation (une « sobriété imposée »). Les riches ont une capacité disproportionnée à contribuer à ces inégalités via leur consommation et modes de vie.

Empreinte carbone des ménages français par décile de revenu

Source : ADEME, Maillet et al., 2019, "Fiscalité carbone aux frontières"
Adaptation graphique : UVED

Malgré l’évidence, l’écologie politique s’est développée loin des préoccupations des classes populaires. Le sociologue français Jean-Baptiste Comby met en évidence trois écologies :

  • une écologie technocratique réservée aux classes riches,
  • une écologie des gestes individuels qui concerne peu les classes pauvres,
  • une écologie sous forme d’alternatives territorialisées, d’expérimentations riches, mais souvent fragiles y compris dans les quartiers populaires.

La problématique des inégalités renvoie directement à celle de la justice environnementale, du racisme environnemental, mais aussi aujourd’hui de la justice climatique.

2.1. La justice environnementale

La justice environnementale correspond à un mouvement social né aux États-Unis dans le prolongement du mouvement des droits civiques initié par Martin Luther King dans les années 1960 et possédant des connexions avec le mouvement syndical United Farm Workers [Ouvriers agricoles unis] en lien à la surexposition des populations défavorisées et racisées aux pollutions environnementales et aux risques qui y sont associés. Elle repose sur l’identification géographique de ces risques ainsi que des critères sociaux pour y remédier.

Selon Nayla Naoufal (2016), Robert D. Bullard – un des universitaires fondateurs du mouvement – définit la justice environnementale en 1990 :

« [La justice environnementale est] un traitement juste et une participation significative de toutes les personnes, quels que soient leur race, leur couleur de peau, leur origine nationale et leur revenu, à l’égard de l’élaboration, de la mise en œuvre et de l’application des règlements, des politiques et des lois en matière d’environnement. Un traitement juste signifie qu’aucune communauté, y compris les communautés raciales, ethniques ou socio-économiques, ne subit une exposition disproportionnée aux conséquences environnementales néfastes résultant d’opérations municipales, commerciales et industrielles ou de la mise en œuvre de politiques et programmes locaux, tribaux, étatiques et fédéraux »

— Traduction libre, Bullard, 1990, p. 7

Le racisme environnemental existe lorsque l’accès à un milieu de vie sain est impossible pour des communautés spécifiques, désavantagées en raison de l’un ou plusieurs des aspects de leur identité sociale et ce, que ce soit délibéré ou non. Le racisme environnemental peut être local, régional, national, transnational ou mondial. La première Conférence Globale contre le Racisme se tient à Durban en Afrique du Sud en 2001. Les pratiques d’exportation en provenance de pays « développés » de déchets toxiques vers des pays « en développement » ou « émergents » sont un exemple de racisme environnemental global.

2.2. La justice climatique

La justice climatique renvoie à la manière dont les changements climatiques n’affectent pas également les personnes, les communautés, les régions, les pays, les Nords et les Suds, alors même qu’ils sont le résultat d’un mode de vie sur-consommatoire des pays riches, et au sein de ces pays, des populations les plus fortunées.

La justice climatique est un grand mouvement social global, née de l’analyse des processus qui ont permis de la qualifier, soit les processus historiques d'injustice, les institutions, les politiques et les mécanismes qui les perpétuent. Ceci explique que la justice climatique soit souvent analysée en termes macro-économiques et selon la façon dont des entités, gouvernements ou institutions peuvent y remédier en compensant les groupes sociaux affectés, par exemple au sein des Conférences des Parties (COP).

La littérature sur la manière dont la justice climatique concerne les différentes échelles des vies est encore peu importante ; à l’épreuve des inondations et des canicules, les corps ne sont pas les mêmes, les individus ne disposent pas des mêmes ressources ni même les communautés. Les quartiers et villes sont inégalement pourvus ou défavorisés. Par exemple, Paris est une ville très minérale qui subit massivement les canicules liées au changement climatique.

Le Conseil économique social et environnemental français dans son avis du 27 septembre 2016 sur « La justice climatique : enjeux et perspectives pour la France » estime que « même limité à 2°C, le réchauffement aura des conséquences notables auxquelles notre société devra s’adapter avec, en l’absence de mesures, le risque que ne se creusent les inégalités entre ceux qui disposent de moyens pour le faire et ceux qui n’en disposent pas ».

Plus qu’un concept, « c’est une nouvelle logique d’élaboration et d’articulation de ces politiques que porte la justice climatique afin de préserver efficacement et durablement le droit à un environnement sain pour tous y compris pour les plus démunis, les plus exposés et les plus vulnérables au dérèglement climatique. ».

2.3. La justice planétaire

L'expression justice planétaire –récemment travaillée grâce à la collaboration entre les spécialistes des sciences naturelles et sociales au sein de la Commission de la Terre– englobe les préoccupations traditionnelles de la justice environnementale, mais souligne que c'est désormais l'ensemble du monde humain et non humain qui est en jeu, et non plus seulement des lieux précis. 

Cette notion traite de justice entre les humains et avec le monde naturel aux différentes échelles du global et du local, des acteurs étatiques et non étatiques, des individus et des collectifs. Guidée par les Objectifs de Développement Durable (ODD) et les principes internationaux des droits humains, la mise en œuvre de la justice planétaire postule que chacun devrait avoir au moins un accès minimum à la nourriture, à l'énergie, à l'eau et aux infrastructures (logement et transport) nécessaires pour mener une vie digne ou pour échapper à la pauvreté en prenant en compte les limites planétaires.

2.4. La notion de capabilité

Dans la lignée de ce travail d’incorporation des initiatives de la société civile dans les politiques environnementales, la mise en avant de la notion de capabilité dès la fin des années 1970 par Amartya Sen, Prix Nobel d’économie en 1998 permet de penser l’égalité à partir d’une liberté de choix et non plus d’un simple accès aux ressources.

Le concept de capabilité critique et prolonge une approche libérale de la justice développée par John Rawls : l’accès aux biens premiers, la levée du voile de l’ignorance et la délibération sur les règles d’équité ne suffisent pas à garantir la justice ; les individus doivent également pouvoir être en capacité d’effectuer les mêmes actions. À ce titre, la capabilité résulte d’une combinaison entre des inclinations personnelles, l’incorporation d’apprentissages par les individus, sur un plan cognitif ou physique, et les ressources extérieures dont ils disposent directement (moyens, biens, infrastructures), ou indirectement, en fonction des contextes sociopolitiques (politiques publiques, législation en vigueur, etc.). Ainsi, cette notion représente une possibilité d’agir et de faire des choix dépendants de fonctionnements désirés ou de biens jugés estimables.

Selon Blanc, Emelianoff et Rochard (2022), bien que l’expression conceptuelle de capabilité renvoie plutôt à une théorie libérale de liberté des choix, du champ des possibles ou d’une saisie d’opportunités par les individus, des travaux plus récents ont mis l’accent sur la dimension collective des capabilités.

  • Le premier rôle des collectifs est ainsi d’être des groupes d’interactions au sein desquels les débats et les possibilités offertes par l’échange et les constructions collectives jouent un rôle dans la définition des objectifs de l’individu et dans leur développement.
  • Un second rôle est de transformer des façons d’être en société, au travers de la réalisation de possibles, pour les individus en interaction dans ce groupe et avec leur environnement.

3. Crédits

Cette leçon fait partie du Socle commun de connaissances et de compétences transversales sur l'anthropocène (S3C), produit par la Fondation UVED et soutenu par le Ministère de l'Enseignement supérieur et de la Recherche.

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Première édition :  octobre 2023
Dernière mise à jour : décembre 2023