2. Historicité de la question

2.2. Les inégalités environnementales urbaines au quotidien

Au sein des villes des pays développés, des risques spécifiques affectent les populations vivant à proximité des industries, en première couronne métropolitaine ou dans des villes n’ayant pas renoncé à une spécialisation industrielle. A une échelle plus fine, les secteurs qui accueillent des équipements à risques ou de grandes infrastructures de transports peuvent exposer les riverains à des problèmes de santé environnementale. Un second type de surexposition potentielle est lié à des héritages historiques : passifs industriels, miniers, militaires, bas quartiers, ... Sans oublier une géographie urbaine des risques « naturels » (inondations, glissements de terrain, submersions,…).

Dans les villes issues de la colonisation occidentale, les inégalités environnementales s’expriment particulièrement dans les secteurs d’habitat informel. Les villes d’Afrique subsaharienne en sont emblématiques, l’emprise des inégalités environnementales et l’ampleur des dégâts qui y sont afférents s’y lisent au quotidien, exacerbées par le changement climatique. Face à la rapidité de la croissance urbaine et au déficit de logements, les constructions spontanées s'étendent aux périphéries, le long des axes routiers sur de grandes distances, et sur des terrains inaptes à une urbanisation conventionnelle (fortes pentes, zones inondables, habitat sur pilotis en milieu lacustre, etc.). La population des bidonvilles est estimée par l'ONU à environ un milliard d’habitant.e.s en 2020, soit plus d’une personne sur huit au niveau mondial, vivant dans des conditions périlleuses. David Satterthwaite indique que les deux tiers des citadins d'Afrique subsaharienne n'ont par exemple pas accès à l'eau courante en 2015.

Bidonville de Makoko au Nigeria

Source : Seun Sanni - NDLA - CC-BY-NC

L’accès aux ressources et aménitésDéf.environnementales est une autre composante majeure de l’inégalité environnementale : accès à de l’eau potable, à un air respirable, à une quantité et qualité d’énergie non préjudiciable à la santé, garantissant un niveau de sécurité environnementale de base et répondant à des besoins physiologiques ; mais aussi, accès à la nature et aux aménités environnementales, qui prennent des visages différents selon les époques et les cultures. L’on sait néanmoins aujourd’hui que la fréquentation régulière d’une forme de nature (bois, jardins, …) est un facteur essentiel de récupération de la fatigue mentale et de santéRéf. biblio. L’accès à la terre pour les citadins, à un bout de jardin individuel ou collectif, met également en jeu une réappropriation de la fabrique environnementaleRéf. biblio.

Ceci dit, il n’est pas toujours possible de superposer haute ou basse qualité environnementale et types de classes sociales. Car la pondération des valeurs environnementales (aménités, risques, pollutions, nuisances) diffère selon les contextes urbains, les cultures, les catégories sociales et les individus. Certaines aménités peuvent être synonymes de risques, comme une vue sur mer ou sur berge, ou bien la proximité d’un grand parc, favorisant la stagnation des polluants atmosphériques urbains. La qualité perçue ne correspond pas à la qualité objectivable de l’environnement mais aux vécus environnementauxRéf. biblio.

Un autre élément de trouble est la discordance entre qualités perçues de l’environnement social (proximité des bons établissements scolaires) et de l’environnement écologique. La recherche de centralité fait couramment accepter certains niveaux d’exposition au bruit et aux polluants atmosphériques par des franges aisées de la populationRéf. biblio. A l’inverse, les espaces verts peuvent être répulsifs s’ils sont associés à la présence de grands ensembles, comme au Havre. Cette complexité n’enlève rien au fait que les règles du jeu foncier assurent un tri des populations en fonction de la qualité globale de l'environnement résidentiel.