Présentation du socle S3C
1. Le socle, un enseignement commun
1.1. Le contexte du projet
Depuis la prise de conscience des populations et des états, concrétisée dès 1992 par la signature des accords de Rio, des dérèglements environnementaux et des déséquilibres sociétaux dans le monde, les transitions écologique, énergétique et sociale font partie des grands défis sociétaux du 21ème siècle. Pour y répondre, il est primordial que tous les étudiants, enseignants, enseignants-chercheurs, personnels, acteurs économiques en devenir, en somme tous les citoyens soient informés, sensibilisés et formés à ces enjeux planétaires majeurs.
Or, à ce jour, les enseignements sur ces enjeux sont encore trop peu présents dans le tronc commun des formations des établissements d’enseignement supérieur et de recherche.
Pourtant l’ensemble des disciplines est concerné, chacune se retrouvant en prise avec des questions de responsabilité et de transition, tout comme la plupart des secteurs professionnels et tous les métiers (comme le montre le panorama des métiers impactés dans le MOOC UVED « A la découverte des métiers de la Transition écologique, créatrice d’emplois » 2020).
Il était donc urgent et primordial d’intégrer ces enjeux dans les formations supérieures, toutes disciplines confondues. Face à cette urgence écologique, climatique et sociale et à cette nécessité, et compte tenu des difficultés que rencontrent les établissements d’enseignement supérieur et de recherche, il était essentiel de les aider à outiller et à former rapidement tous les enseignants pour qu’ils puissent former à leur tour leurs étudiants à ces enjeux, quelle que soit leur filière. L’objectif est que tous soient capables de comprendre et d’analyser la complexité du monde et deviennent des écocitoyens éclairés, engagés et résilients et acteurs du changement.
Beaucoup d’établissements d'enseignement supérieur et de recherche ont décidé de pallier ce manque, poussés par la prise de conscience, et par la demande forte d'intégrer les enjeux écologiques, climatiques et sociaux dans les formations et d’avoir plus de formations sur ces enjeux dans les programmes. Citons le Manifeste étudiant pour un réveil écologique, l’appel du Think Tank The Shift Project et des présidents d’université « Pour former tous les étudiants du supérieur aux enjeux climatiques et écologiques », la proposition de loi de 80 députés sur l'enseignement aux enjeux climatiques, l’appel à l’Etat de centaines de dirigeants d’établissements, d’enseignants et de chercheurs "Formons tous les étudiants aux enjeux climatiques", la mission « Enseigner la Transition Ecologique dans le Supérieur » confiée à Jean Jouzel par le MESRI, le bilan de la COP2 Etudiante, etc.
L'année 2022 a ensuite marqué un tournant dans le monde de l'Enseignement supérieur et de la Recherche en matière de Transition écologique et de Développement soutenable. La publication du rapport Jouzel-Abbadie "Sensibiliser et former aux enjeux de la transition écologique et du développement durable dans l’enseignement supérieur", qui recommande de former 100% des étudiants de niveau Bac+2, toutes disciplines confondues, aux enjeux de Transition écologique, a permis d’enclencher une dynamique sans précédent, à grande échelle, dans le monde académique.
Les établissements se sont emparés des préconisations du rapport : mettre en place un enseignement commun à toutes les disciplines pour le 1er cycle et intégrer rapidement ces thématiques dans l'ensemble des formations. Les démarches et stratégies d’établissements se sont substituées aux initiatives individuelles. Et les annonces de Madame la ministre Sylvie Retailleau le 20 octobre 2022 à Bordeaux dans le cadre de la journée « Former à la transition écologique dans l’enseignement supérieur : défis et solutions », organisée par le Ministère de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, ont permis d'enfoncer le clou : "au plus tard en 2025, chaque étudiant de l’enseignement supérieur public et privé", quelle que soit sa filière d’études, se verra proposer "un socle de connaissances et de compétences globales et pluridisciplinaires" sur la transition écologique.
Certains établissements ont entamé une réflexion pour faire évoluer leurs maquettes pour former un maximum d’étudiants sur ces enjeux, proposé des séminaires transversaux à des centaines d’étudiants, ou mis en place des cours supplémentaires, de manière obligatoire ou optionnelle. Certaines initiatives sont des actions concrètes tandis que d’autres sont encore à l’état de projet mais force est de constater qu'une vraie dynamique a été enclenchée à l’échelle nationale qui demande à être, sinon cadrée, du moins accompagnée. Dans certains établissements, la demande de mise en place de cours sur ces enjeux par des enseignants explose (certains enseignants spécialistes sont « noyés » sous la demande de formation et sollicités par d’autres composantes de leur établissement), des services de formation continue montent des formations, des enseignants créent individuellement des modules de 8h-10h, quand d’autres prescrivent ou renvoient vers des formations ou ressources en ligne.
La demande est forte mais la mise en place et la généralisation d’enseignements sur ces enjeux, adapté à tous les cursus, est confrontée à des difficultés et des freins :
Freins pédagogiques :
- Le problème du cloisonnement des disciplines (le manque de transversalité entre les disciplines, le besoin de transdisciplinarité) ;
- Le manque de temps des enseignants pour se former à ces enjeux, théorique (académique) et pratique (comment l’enseigner, l’intégrer à un enseignement existant ?), alors qu’ils ne sont pas tous préparés à les enseigner ;
- Le manque de connaissances et de compétences transversales par rapport à la complexité du sujet ;
- Le manque d’accompagnement (difficulté pour un enseignant isolé à intégrer un enjeu de cette ampleur dans un enseignement) ;
- Le problème de la rigidité des structures existantes ;
- Les problèmes organisationnels (maquettes, infrastructures, localisations en multi-sites,…) ;
- La prise de conscience encore assez faible chez certains par rapport à ces enjeux et le problème de perception de ces enjeux comme une part de la culture générale moins prioritaires que les savoirs disciplinaires.
Freins financiers :
- Le manque de ressources (personnel ETP et matériel) ;
- Le manque de moyens humains et financiers ;
Freins politiques :
- Le problème des emplois du temps qui sont très contraints (programmes et plannings figés, forts degrés de mutualisation, maquettes d’enseignement saturées) ;
- La mise en place de formations en fait disparaître d’autres (cela pourrait être enseigné selon les domaines d’enseignement, mais les enjeux sont par essence partout : donc qui porte ?).
- La solitude des enseignants face à la mise en place de ces enseignements : ils sont souvent désemparés, faute de moyens humains et financiers, d’accompagnement, de compétences, de formation, de temps, de ressources, d’outils,...
Certes, les initiatives se multiplient en étant portées par des enseignants ou des groupes d'enseignants ayant chacun leurs propres priorités en termes de points à aborder avec leurs étudiants. Pour certains, ce sera l’enjeu énergie/climat, pour d'autres les Objectifs de Développement Durable (ODD), pour d'autres encore la Responsabilité Sociale et Environnementale (RSE), tandis que d’autres se focaliseront sur une approche anthropologique, sociale, juridique ou économique des questions environnementales.
Dans le cadre d'un socle commun de connaissances et de compétences, il est important de pouvoir s'appuyer sur des concepts scientifiques qui englobent l'ensemble des sujets précédemment évoqués, quand bien même le socle est très large. Le choix thématique de l'anthropocène correspond aussi à un "besoin identifié". Ce concept, certes controversé, est de ce point de vue intéressant puisque loin de réduire la Transition écologique ou le Développement durable à un petit nombre de sujets, il embrasse un grand nombre d'enjeux, de préoccupations et de questionnements, et ce, de manière pluridisciplinaire.
En réponse à l’éco-anxiété (ou éco-dépression), un mal qui touche de plus en plus de jeunes, il est important que ce projet permette aux enseignants de développer des compétences de manière à accompagner de manière constructive et engageante les étudiants et à favoriser un passage à l’action. Les étudiants attendent du concret et de savoir ce qu’ils peuvent faire à leur niveau, aussi bien dans leur vie quotidienne que via leur projet professionnel.
Dans ce contexte de demande pressante et de fort dynamisme au sein des établissements, il semble que ce soit le bon moment pour proposer un socle commun, de référence, permettant d’être intégré à des enseignements communs en début de cursus.