Grâce à la comptabilité : comprendre les liens que nous entretenons avec le monde pour maintenir et régénérer l’habitabilité de la Terre

2. Au cœur de notre vie quotidienne

2.3. Enjeux et défis pour les organisations, et l’entreprise en particulier

Parmi les organisations qui coordonnent les activités humaines, il en est une particulière que l’on désigne sous le nom d’entreprise. Il est courant d’utiliser ce seul nom bien qu’il représente une grande diversité de réalités que ce soit en termes d’effectifs, d’activités, de structure juridique, d’objectifs, d’obligations, … Pour des soucis de simplicité, ce terme générique sera conservé par la suite bien que, en pratique, les réalités soient plus complexes.

En tant que collectivité humaine structurée et actrice de la réponse aux besoins des humains, l’entreprise est de fait directement concernée par les dégradations évoquées précédemment :

  • Concernant sa propre production : difficultés de recrutement, d’approvisionnement (pour des raisons géopolitiques, destruction d’usine de fournisseur du fait de catastrophes naturelles, …), conditions de travail (hausse des températures rendant certains horaires non travaillables, …), tensions sociales (grèves diminuant sa capacité à produire, à livrer ou à distribuer sa production, …), augmentation du risque de catastrophes naturelles sur son lieu d’implantation, …
  • Concernant sa responsabilité : en pouvant être mise en cause pour inaction (ou action insuffisante) dans la lutte contre le réchauffement climatique, l’érosion de la biodiversité, les pollutions, le non-respect des droits humains, …

Les États, et les entreprises, ne sont pas restés passifs face aux évolutions du monde. 

Deux exemples en témoignent :

  • La norme internationale ISO 26000 (Responsabilité Sociétale des Organisations - RSO), élaborée durant 5 ans et votée en 2010 par 99 pays, a bien tenté de s’emparer de l’ensemble de ces sujets. Mais il ne s’agit que d’une norme volontaire qui, certes, peut aider les organisations à structurer leur démarche, mais reste à leur bon vouloir.
  • Les entreprises sont tenues de publier chaque année leurs états financiers (bilan, compte de résultat, rapport de gestion). Ce sont des documents comptables qui communiquent des informations sur la situation d’une entreprise (montant des ventes, des coûts, bénéfices ; mesure de sa rentabilité financière ; composition monétaire de son patrimoine et de ses dettes ; …). Ils n’indiquent cependant pas la façon dont l’entreprise s’empare, ou non, des questions environnementales et sociales. Afin de combler cette lacune, un rapport dit extra-financier a été mis en place à destination des plus grandes entreprises. Pour simplifier, il s’agit de demander aux entreprises concernées d’expliquer, avec des mots et des phrases, et pas seulement des chiffres, comment, dans leur stratégie, elles prennent en compte le monde dans lequel elles agissent (en quoi, par exemple, le réchauffement climatique peut présenter des risques pour une activité existante). Mais :
    • il ne leur est pas demandé d’indiquer les conséquences de leurs activités, et les mesures qu’elles prendraient pour atténuer, voire supprimer, celles qui seraient négatives au-delà de ce qui est légal, et 
    • le périmètre et le contenu du rapport restent à leur initiative, sans validation externe.

Force est de constater que, malgré les bonnes volontés éventuelles, les trajectoires collectives climatiques, biodiversités et d’inégalités sociales n’ont en rien été infléchies depuis 2010. En d’autres termes, la bonne santé financière (constatée) des entreprises (surtout les plus grandes), et donc la comptabilité telle qu’elle est pratiquée actuellement, ne rendent pas compte de leur incapacité à contribuer à la préservation de bons états sociaux et environnementaux.