La taxe Pigouvienne
2. De quoi s’agit-il ?
2.1. La prise en charge de l’environnement dans la pensée économique
L’intégration de l’environnement dans la pensée économique débute au milieu du XVIIIe siècle. En réaction aux mercantilistes, le courant de la physiocratie (littéralement le « gouvernement des choses naturelles ») notamment représenté par François Quesnay (1694-1774) tire des lois de la nature et organise une économie guidée par des flux physiques et monétaires.
La théorie économique classique (David Ricardo, Adam Smith) souligne le rôle du travail, reléguant la nature à la marge, alors qu’elle était la principale source de richesse selon les physiocrates. Dès lors, la place de la nature dans la pensée économique est considérablement réduite, considérée comme inépuisable, inaltérable.
L’économie néoclassique quant à elle considère la valeur d’un échange à l’aune de son utilité pour les agents, pouvant être définie comme leur satisfaction résultant de l’échange. Concernant la dégradation du cadre de vie et de certaines ressources, l’économie néoclassique, dans la sillage du courant classique, considère que ces questions échappent au marché. En effet, la pollution d’un sol ou d’une rivière est considérée comme une externalité.
Externalité
L’effet est dit « externe » dès lors que le marché ne régule pas sa conséquence. Alfred Marshall (1942-1924) a été le premier à étudier la conséquence des effets externes sur l’économie . L’économie néoclassique considère alors les externalités comme des « défaillances de marché », mais pouvant être corrigées par des outils économiques pouvant être mis en place par une autorité régulatrice comme un État, ou une banque centrale par exemple. C’est ce que propose Arthur Cecil Pigou (1877-1959) dans son ouvrage The Economics of Welfare (1920). Par l’instauration d’une taxe - plus tard appelée « taxe pigouvienne », Arthur C. Pigou propose d’internaliser le coût des externalités dans le coût total de l’agent qui produit ces mêmes externalités. Le but d’une telle taxe est d’arriver à l’efficience économique, au sens de l’efficience de Pareto : faire en sorte que tous les agents impliqués jouissent du niveau de satisfaction (leur « utilité ») maximal, sans que d’autres en pâtissent. C’est ce qu’on appelle le bien-être social ou Social Welfare en théorie économique.
Ainsi, une entreprise chimique polluant une rivière se verrait payer une taxe spécifique du fait de cette pollution. La taxe pigouvienne n’est pas une taxe visant nécessairement à redistribuer les fonds aux populations touchés par cette pollution. Elle est d’abord un principe incitatif visant à changer les comportements des agents et à baisser la pollution émanant de l’entreprise qui pollue. Néanmoins, les fonds de la taxe peuvent ensuite être alloués au dédommagement des populations touchées, ou bien à une politique de dépollution de la rivière. Il s’agit de la première application du « principe pollueur-payeur » (PPP).
Il reste à noter que la taxe pigouvienne s’inscrit dans le cadre général de l’économie néoclassique et de ses principes. On ne remet ici pas en cause :
- l’efficacité du marché en tant qu’institution régulatrice de l’économie, ou de la recherche d’un équilibre dit « de Pareto » qu’on considère être la meilleure situation d’un marché dit « en équilibre ».
- le paradigme anthropocentré de l’économie néoclassique : le « bien-être social » (Social Welfare) recherché par Arthur C. Pigou ne s’applique qu’aux humains. Le coût non monétaire de la pollution dans une rivière pour les non-humains (animaux, végétaux) pouvant résulter à leur mort ou leur décroissance n’est pas pris en compte tant qu’il n’est pas mesuré à l’aune du bien-être des humains eux-mêmes.
- le choix de l’économie néoclassique de ne prendre en compte que les coûts monétaires, qui doivent dès lors être évalués.