Aménager ses conditions et contraintes professionnelles pour former à la durabilité
2. Un outil d'enquête : l'échelle des niveaux de codétermination didactique
2.2. La place des savoirs scientifiques
On peut relever que la place des savoirs scientifiques est centrale dans le module ETRE. C'était là un souhait de beaucoup d'enseignants qui souhaitaient avoir des contenus irréprochables pour ne pas prêter le flanc à la critique de collègues plus dubitatifs sur l'intérêt de cette formation aux enjeux socio-écologiques. Par rapport à beaucoup d'autres situations de formation, où les savoirs sont consolidés depuis des décennies si ce n'est des siècles, les savoirs en jeu sont plus chauds et font l'objet d'une intense discussion du fait de leur actualité scientifique : on parle alors de savoirs non stabilisés ou de savoirs «vifs». Ces savoirs peuvent par ailleurs faire l'objet de controverses dans l'espace public, ce qui est susceptible de nourrir les représentations des étudiants sur les problèmes abordés en classe.
Cette référence incontournable aux savoirs scientifiques peut toutefois se montrer à double-tranchant : si elle permet efficacement de se distinguer d'approches de sensibilisation parfois peu critiques comme les injonctions à adopter et diffuser des bonnes pratiques (comme les éco-gestes), elle peut aussi conduire à clôturer trop hâtivement le champ des savoirs pertinents pour la formation. En particulier, cela peut conduire à négliger les apports de certaines sciences regardées comme plus fragiles (les sciences humaines et sociales, mais aussi dans une certaine mesure dans notre cas, les sciences du vivant), les savoirs locaux, les savoirs d'expérience ou encore les valeurs qui sont en jeu. Se faire une place au sein des contenus perçus comme légitimes aux yeux de l’ensemble de l’équipe enseignante n’est ainsi pas toujours simple : l’interdisciplinarité suppose la (re)négociation de rapports de prestige préexistants.